actuel N°162 - Page 1 - Actuel est un magazine hebdomadaire marocain francophone, appartenant au groupe « Logique Presse ». Des sujets très variés y sont abordés (économie, politique, société, culture...). Ce magazine généraliste se veut le porte-parole d'un Maroc moderne, dynam L a guerre est déclarée.» Cette phrase d’une intervenante du Women’s Tribune à Essaouira le week-end dernier est peut-être excessive mais son auteur a pourtant recueilli maints applaudissements dans la salle. Car si la guerre n’est pas ouverte entre obscurantistes et progressistes du Royaume, elle couve dans plusieurs pays arabo-musulmans; et une véritable ligne de front s’est constituée en Tunisie. Cepaysquifut,parcertainsaspects,exemplaireest aujourd’huienbuteàdesattaquesenrèglecontre cequ’ilrecelaitdemeilleur:lestatutdelafemme. Au point que certains finissent ouvertement par regretter Ben Ali!L’histoiredelajeunefemme violéepardeuxpoliciersestàcet égard emblématique. Mariem (c’est un nom d’emprunt) est arrêtée avec son fiancé dans la nuit du 3 ou 4 septembre par trois fonctionnaires de police. Tandis que le jeune homme est menotté, la jeune femme est conduite à l’arrière de son véhicule où elle est violéepardeuxdestroishommes.Danslavoiture, despreuvesattestentdel’agressionsexuelleetles policierssontincarcérés.Acomportementinnommable, on oppose une justice irréprochable. Or, aprèsavoirsubicetteagressionphysique,Mariem a dû subir une agression morale d’une violence inouïe. Les policiers ont en effet porté plainte contre le couple pour attentat à la pudeur. Et le porte-parole du ministère de la Justice a assumé ces poursuites en déclarant: «Le fait d’être une victime ne fournit pas d’immunité.» Oui, vous avez bien lu: une victime d’un viol collectif commis par des fonctionnaires de l’Etat a été inculpée pour outrages aux bonnes mœurs parce qu’elle circulait avec son fiancé. Et l’Etat a couvert ses criminels. Il est probable que, face au tollé provoqué par cette affaire, la justice tunisienne ne retienne pas la plainte, et déjà le gouvernement fait marche arrière. Mais pour autant l’histoire de Mariem est un véritable révélateurd’unesociétéencrisequinousrenvoie à nos propres failles. 3Edito D’abord parce que l’impunité dont voudraient profiterlespolicierstendraitàprouverqu’ilsconsidèrent la révolution comme une parenthèse vite refermée. Le soutien implicite de leur hiérarchie est inquiétant à plus d’un titre. Cela signifierait-il que les islamistes au pouvoir se satisfont d’un systèmerépressifhéritéd’unrégimeautoritaire? L’autre leçon à retenir de cette histoire est plus encourageante. La formidable mobilisation des Tunisiennes (et des Tunisiens) a réussi à infléchir la position du pouvoir en attirant l’attention des médiasdumondeentier.EnTunisie,leséléments les plus régressifs sont les plus agressifs. Mais la société sait se défendre. Ils sont nombreux à être ventdeboutcontrechaque tentativedegrignotagedes libertésindividuelles.C’est bien parce que la société civile s’est mobilisée que l’articledelaConstitution quidevaitremplacerl’égalité entre les hommes et lesfemmesparunesimple«complémentarité» a étéretiré.Cettecombativitémanquecruellement au Maroc où les éléments les plus progressistes s’éparpillent dans des querelles inutiles. Le couragedesTunisienscontrastesingulièrementavec notre lâcheté ou plutôt une certaine forme de fainéantise militante. MaisMariemestaussiunsymboleparadoxal.Elle est soutenue par son fiancé, ses amis, une frange importante de son pays et l’opinion internationale... mais sa famille garde le silence. Comme si la souffrance du viol ne pesait rien au regard de l’opprobre qu’il provoque. Comme si, ainsi que le scandaient les manifestantes de Tunis, la femme n’avait le choix qu’entre deux statuts: violée ou voilée. Combattre pour les libertés ne suffitpas.Cesontlesmentalitésqu’ilfautd’abord faire bouger. Et ça, même Bourguiba n’y est pas parvenu. Alors, chez nous... ■ Le courage des Tunisiens contraste singulièrement avec notre lâcheté. Nouvellesdufront Alors, chez nous... ■ actuel actuel / Semaine du 5 au 11 octobre 2012 Sommaire ÉCRIVEZ-NOUS À courrier@actuel.ma actuel / Semaine du 5 au 11 octobre 2012 4 N°162 - DU 5 AU 11 OCTOBRE 2012 Mon fils, ma bataille... Standard & pauvre? Il voit des crocodiles partout Ouzzine aime les d’jeun’s 18 30 36 46 58 Deux ans de salaire pour l’instit’ SActualités 06 NOUVELLE GÉNÉRATION | Adil Dfouf 08 LA SEMAINE EN IMAGES 10 DÉCRYPTAGE 14 DERNIÈRE HEURE SDossier 18 SOCIÉTÉ | Sortir de l’hypocrisie SEconomie 30 INTERVIEW | Patrick Raleigh: «L’option d’une émission obligataire se pose avec acuité» 32 THÉSAURISATION | Ruée sur les coffres-forts 33 RÉSULTATS SEMESTRIELS | BMCE Bank maintient le cap SPolitique 36 LÉGISLATIVES PARTIELLES | Retour du classico PAM-PJD 38 PARTIS | Chabat acte II SSociété 44 WOMEN’S TRIBUNE | L’homme n’est pas l’avenir de la femme 46 POLITIQUES PUBLIQUES | Que veulent Chababna? SMonde 50 ARRÊT SUR IMAGE 52 ISLAMOPHOBIE | Roland Cayrol: «On a violé le tabou du religieusement correct» 52 OCI | On ne badine pas avec l’islam! 54 MALI | Les appels au soutien sont en bonne voie 54 SYRIE | Le peuple en otage 55 NIGÉRIA | Mubi, le campus de la mort 56 CHRONIQUE DES DEUX RIVES SCulture 58 PRIX DE LA MAMOUNIA | Le sacre de l’instit’ 60 EXPOSITION | Au 22e ciel des Libertés 62 AGENDA STendances 64 NOUVEAUX PRODUITS, NOUVEAUX MARCHÉS 66 LES CHOIX DE... | Zakaria Boualem Tel qu’en lui-même PHOTO DE COUVERTURE AFPP actuel actuel est édité par Logique Presse. SARL. Capital social : 25 millions de dirhams. Conseiller spécial: Henri Loizeau Directeur de la publication: Abdellatif El Azizi Directeur commercial: Moulay Ahmed Alami Directeur de la rédaction: Eric Le Braz Rédactrice en chef adjointe: Mouna Kably Assistante de la rédaction: Fatima Azzahra Ghoumari Tél. 05 22 95 18 15 / 16 05 29 00 20 02/ 30 03 Fax. 05 22 95 18 14 SRÉDACTION Chefs de service: POLITIQUE: Abdellatif El Azizi CULTURE: Amira-Géhanne Khalfallah Chef de rubrique : ÉCONOMIE: Khadija El Hassani Rédacteurs: Slimane Ammor, Yanis Bouhdou, Zakaria Choukrallah, Ali Hassan Eddehbi, Abdelhafid Marzak, Asmaa Chaidi Bahraoui, Ranya Sossey Alaoui (stagiaire), Kaouthar Oudrhiri (stagiaire) Chroniqueurs: Fouad Benseddik, Pascal Boniface, Driss Jaydane Correspondants: Cyril Bonnel (Paris), Maud Ninauve (Tanger) Photographe: Brahim Taougar Ont collaboré à ce numéro: Salima Yacoubi Soussane, Mohamed Mouhim SÉDITION Rédactrice en chef technique: Keiko Catala Secrétaire de rédaction: Ferdinand Demba Révision: Laila Lebbar Directrice artistique: Fadoua Damiri Maquettiste: Youssef El Moutassaddik Conception graphique: Studio Baylaucq & Co. 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Physiquement, il ressemble étonnamment à Driss Lachgar (député USFP). Mais la comparaison s’arrête là. Adil est un garçon sympathique, plutôt réservé, bien que son propos soit parfois acerbe. Natif de la ville du détroit, Adil a grandi à Tanger avant de plier bagage pour Rabat une fois le bac en poche. Il retourne au bercail après avoir obtenu son master en économie, pour s’occuper de l’entreprise familiale, dans le domaine du textile-habillement. Quelques mois plus tard, il se présente aux élections locales de l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH), sans succès. Le jeune homme ne s’en offusque pas, car il a d’autres priorités. A commencer par la politique qu’il a rejointe en 2009 avec la création du PAM. Pourquoi ce choix? «C’est l’effet de nouveauté qui m’a attiré, ironise-t-il, avant de reprendre sérieusement, non. Ce sont plusieurs amis à moi qui m’ont encouragé à rejoindre ce parti qui donnait beaucoup d’importance aux jeunes.» Mais l’idylle avec le parti du tracteur tourne court. Lors des communales de 2009, la formation politique n’accepte pas que Adil se présente en tant que tête de liste de sa commune. «J’étais sûr de moi. C’était mon quartier et j’allais remporter le vote haut la main», raconte-t-il. Déçu de n’avoir pas eu gain de cause, il claque la porte du PAM et se porte candidat sous les couleurs des Forces citoyennes. La chance lui sourit, et il devient conseiller communal puis… rejoint le PAM à nouveau. «Au départ, je ne voulais pas quitter le parti. Je l’ai fait parce que j’ai été privé de ma candidature», justifie-t-il. Lors des législatives du 25 novembre, le PAM ne consacre pas de liste aux jeunes dans la région Tanger-Asilah. Adil fait alors partie de la liste de Fouad Omari (actuel maire de Tanger, ndlr). Puis, quand les élections sont reconduites, il se trouve naturellement en tête de liste. «C’est un grand défi pour moi. Lors de ma campagne, j’ai été choqué par le niveau de méfiance et de désaveu envers la politique de la part de nombreux citoyens», se désole-t-il. En pamiste convaincu, il assure, sans hésitation, que «c’est le PJD qui est derrière cette désaffection de la politique». L’analyseparaîtexagérée.Maiselle nechoquepasdanslabouched’un membreduPAM.«Nousavonsdes projets sociétaux complètement différents. Nous sommes des modernistes, et nous ne tolèrerons aucune dérive obscurantiste, assure-t-il. Au PAM, nous sommes progressistes, mais cela ne veut absolument pas dire que nous allons nous détacher de nousmêmes.» Pour lui, c’est une «modernité qui ne déroge pas aux constantes de la nation». Une formule plutôt insolite que l’on pourrait interpréter de la sorte: on peut boire, fumer, sortir en couple, tout en étant musulman, mais sans aller jusqu’à revendiquer un Maroc laïque! Une autre raison sous-tend l’adhésion de Adil au PAM. «La lutte contre ceux qui monopolisent l’islam et excluent les autres. Comment expliquez-vous que le PJD prétende que sa jeunesse ne compte aucun fumeur? Pourquoi? Les fumeurs sont-ils des mécréants à excommunier?», s’insurge ce jeune politique qui voit très grand. Quand on l’interroge sur ses projets d’avenir, il répond avec aplomb qu’il veut être chef de gouvernement. Rien que ça. «Pourquoi pas? En quoi Benkirane est-il meilleur que moi?», se demande-t-il, l’air confiant. D’ici-là, Adil affûte ses armes politiques, et se consacre à son premier objectif: devenir député. Le reste du temps, il le consacre à une autre passion, le sport. Il est, depuis quelques années déjà, le président du club local de football, l’Ittihad de Tanger. Cela lui vaut un minimum de voix: celles des supporters. A moins que ceux-ci ne boycottent l’élection en raison des mauvais résultats dans lesquels s’embourbe ce club de deuxième division depuis quelques années. Ali Hassan Eddehbi NOUVELLE GÉNÉRATION ©DRl actuel / Semaine du 5 au 11 octobre 2012 Actualités8 Les élèves infirmiers de l’Institut de formation aux carrières de la santé à Casablanca ont manifesté, le 3 octobre, pour protester contre la décision du ministre de la Santé d’accorder l’équivalence deleurdiplômeauxlauréatsdesécolesprivées(voiractuelN°161).■ Jamal Abdennasser (Festimode), Anissa Jarrar (Galeries Lafayette), Nour-Eddine Lakhmari (qu’on ne présente plus) et Jamila Diani (Aksal): les quatre font la paire pour lancer la fashion week casablancaise qui aura lieu en novembre à l’église du Sacré-Cœur. ■ Manifs Le blues des blouses blanches Fashion week A la mode de Casa SUn but Hamdoullah Pour célébrer son premier but en Premier League, le 1er octobre contre West Ham, Adel Taarabt a brandi son t-shirt sur lequel était marqué «I Love Allah». Le «message» buzze sur Twitter et Facebook. VU SUR LA TOILE Après le passage de la tempête Nadine le 27 septembre dernier, les rivières ont charrié des fleuves de boue, coloriant d’une teinte étrange les rivages d’Essaouira. Mais ça n’a pas empêché les kitesurf de voler! ■ Essaouira La mer rouge à Mogador S«Meuhh, viens vite» Grâce à un système de capteurs dans l’organe génital de leurs vaches, les éleveurs suisses reçoivent des messages par SMS quand celles-ci sont en chaleur. Y a plus qu’à «biper» le taureau. ©B.Taougar/actuel ©B.Taougar/actuel Personne ne le connaissait il y a un an, aujourd’hui on ne parle que de lui. Le milliardaire Bidzina Ivanichvili, à la tête de la coalition d’opposition en Géorgie, demande la démission du président vaincu. Un vent nouveau souffle sur le pays. ■ Géorgie Il n’a pas gagné d’un cheveu ©AFP actuel / Semaine du 5 au 11 octobre 2012 ©AICPRESS SDrôle de drame Le 3 octobre, la route de l’Oulja entre Rabat et Salé a été le théâtre d’un carambolage digne des films d’actions. 18 personnes ont été blessées et des milliers d’autres ont partagé cette image entre l’hilarant et le choquant. SDiffamée à trois ans Un père de famille a eu l’étrange idée de punir sa fille en l’obligeant à porter une pancarte sur laquelle il est écrit: «Je fais caca dans la douche et papa a dû la nettoyer.» Une pédagogie pas très maligne. 7Actualités / LA SEMAINE EN IMAGES 9 Coup de tonnerre dans les vestiaires de la dream team du handball français. Huit joueurs et ex-joueurs du club montpelliérain de hand, dont le meneur Nicola Karabatic, ont été mis en examen pour match truqué et paris illégaux. ■ Une campagne électorale au Venezuela, c’est toujours haut en couleur. La preuve par Hugo Chavez et son adversaire Henrique Capriles en meeting, pas le même jour mais avec visiblement le même fournisseur de costume. ■ France Pastrèshand(some) Venezuela Et viva la coloración! Des célébrités et des inconnus, des analphabètes ou des lettrés se mobilisent pour le droit à l’éducation. Des photographies sobres, avecpourseulmotd’ordre«Education»,fontle buzzsurlesréseaux sociaux. Tout le monde peut poster sa photo sur Facebook. ■ Maroc L’éducation, c’est urgent Comme souvent au Maroc, tout se fait à la dernière minute. Women’s Tribune avait déjà commencé à Essaouira, mais on continuait encore à installer la déco. Heureusement qu’il y avait des hommes pour s’occuper des femmes! ■ Women’s Tribune Hissez haut! ©B.Taougar/actuel ©AFP ©DR ©AFP actuel / Semaine du 5 au 11 octobre 2012 Actualités / DÉCRYPTAGE10 Gouvernement L’USFP en chef de file ● LES FAITS Les débats du Conseil national de l’USFP du 1er octobre à Rabat ont été largement marqués par le bilan du gouvernement PJD. ● LE COMMENTAIRE «Après dix mois d’exercice, on constate que le gouvernement se contente de déclarations et de promesses; ce que nous remarquons aujourd’hui, c’est qu’il navigue à vue», a tonné Abdelouahed Radi dans son intervention. Dans leurs critiques à l’encontre de l’équipe Benkirane, les socialistes dénoncent le manque de vision, voire de visibilité patent du gouvernement. Ils en veulent pour preuve que ce dernier ne dispose pas jusqu’à présent des lois organiques essentielles pour la concrétisation de la nouvelle Constitution. Pour le patron de l’USFP, le gouvernement est incapable de dire quand auront lieu les élections communales, il ne sait pas quand sera lancée la régionalisation, ou quand auront lieu les élections de la deuxième Chambre. Une sortie de crise est-elle possible? Les socialistes n’hésitent pas à se présenter en sauveurs. Pour Radi, «l’USFP, qui a servi le pays dans l’opposition dans les années 60, a rendu beaucoup de services quand elle a assumé la responsabilité gouvernementale avec l’alternance politique en 1998». ● ET DEMAIN Le IXe Congrès, qui se tiendra les 14, 15 et 16 décembre prochain, devra forcément trancher sur l’avenir de l’USFP au sein de l’opposition ou dans une éventuelle coalition gouvernementale. A.E.A. ● LES FAITS Après une longue attente, le ministère de la Communication a enfin présenté, lundi 1er octobre, les membres du comité consultatif pour la réforme du Code de la presse et de l’édition. ● LE COMMENTAIRE Le casting n’est pas mauvais, mais il est incomplet. En tant que ministre de tutelle, Mustapha ElKhalfi a naturellement sollicité les représentants de la profession, aux côtés de profils expérimentés, tel l’ancien ministre de la Communication Larbi Messari. El Khalfi a fait appel à un juriste honnête et chevronné: Mohamed Idrissi Alami Machichi. Toutefois, les journalistes ne sont pas suffisamment représentés. Les plumes les plus «acérées» ont été systématiquement écartées de la commission. Et on relève la présence d’un nom peu rassurant. Il s’agit de Mohamed Abdenabaoui, ancien directeur des affaires criminelles, réputé faire partie de l’aile dure et conservatrice du ministère. Avec une commission aussi peu représentative, l’on imagine difficilement des réformes audacieuses et avancées. Et ce d’autant plus que le code actuel est sujet à plusieurs controverses. ● ET DEMAIN El Khalfi a annoncé que les peines privatives de libertés ne feraient pas partie du nouveau code. S’il tient sa promesse, ce sera un grand pas en avant. L’autre principale attente est relative à la réglementation de la presse électronique dont les professionnels ont été écartés –eux aussi– de la commission. A.H.E. ▲ Code de la presse Faux départ ©DR ©B.Taougar/actuel Blé français L’aubaine marocaine ▲ ● LES FAITS «Les rencontres 2012 francomarocaines des céréales», tenues le 2 octobre à Casablanca, avaient pour objectif de présenter l’offre céréalière française. Une occasion pour les Français de sonder le terrain. ● LE COMMENTAIRE Le moment est bien choisi puisque le Maroc doit importer au minimum 4 millions de tonnes de blé tendre avant mai 2013. Or, les Etats-Unis, un de ses principaux fournisseurs, accusent une baisse de production de 40,4 millions de tonnes cette année. Les pays de la Mer noire ont, quant à eux, déjà commencé à puiser dans leurs ressources. Reste la Chine. Mais ce pays «n’exportera jamais sa production», affirme Thierry de Boussac du Syndicat national du commerce extérieur des grains. C’est pourquoi la France, avec ses 36,1 millions de tonnes de blé en 2012, veut séduire les minotiers marocains. Cependant, le Maroc est avant tout un marché de prix. La preuve? Les deux appels d’offres lancés par le Royaume sont restés sans réponse car les prix de référence sont trop bas. Et les Français ne se voilent pas la face. Sachant que sur ce registre, ils ne sont pas très concurrentiels, ils avancent l’argument de la qualité. ● ET DEMAIN Nos importateurs sont-ils prêts à changer leurs habitudes d’achat? Quelle que soit leur décision, elle devra être prise rapidement. L’Egypte, un des plus gros importateurs de céréales de la région, pourrait nous compliquer davantage la tâche. A.M. ©DR ▲ actuel / Semaine du 5 au 11 octobre 2012 Actualités / DÉCRYPTAGE12 ● LES FAITS La fin de la prise en charge des lycéens français et francomarocains provoque un certain désarroi chez les familles qui peinent à joindre les deux bouts. D’ailleurs certains parents ont même dû inscrire leurs enfants dans des lycées privés marocains pour cette rentrée scolaire... ● LE COMMENTAIRE En visite au Maroc, la ministre chargée des Français de l’étranger, Hélène Conway-Mouret, a tenu à rassurer. «Nous avons demandé à la commission locale des bourses d’être très attentive pour les familles qui sont à la marge», a-t-elle confié à actuel. Mais peu de familles peuvent bénéficier de ces critères. La ministre a donc promis que les crédits de prise en charge seront réaffectés. «Pendant trois ans, nous pourrons élargir le nombre des familles qui bénéficient d’une aide et nous assurer que l’utilisation de ces crédits permettra d’enrayer la hausse des frais de scolarité.» ● ET DEMAIN L’autre problème, c’est que les écoles de la mission ne peuvent pas répondre à la demande croissante des familles marocaines. Un programme immobilier ambitieux est donc à l’ordre du jour, notamment à Lyautey. Malgré la crise, il ne devrait pas être remis en cause. La subvention de 2235 euros qu’accorde la France à tous les élèves de la mission, quelle que soit leur nationalité non plus: «Nous ne sommes pas dans une logique d’économie et de mesquinerie», affirme la ministre. E.L.B. ▲ La mission trop chère pour les Français? ©BrahimTaougar/actuel ▲ Blanchiment Peut mieux faire ● LES FAITS Un réseau organisé de blanchiment d’argent issu du trafic de drogues, dans des projets immobiliers entre autres, vient d’être démantelé par la police marocaine. ● LE COMMENTAIRE En Belgique, plusieurs arrestations ont eu lieu ainsi qu’une saisie de haschich. Au Maroc, la police nationale a mis sous séquestre les biens immobiliers et a gelé les avoirs financiers des membres de ce réseau à Meknès et Nador. On déplore que ces affaires ne soient menées que sous la pression des polices européennes. Pourtant, le blanchiment de l’argent de la drogue dans des projets immobiliers est non seulement chose courante au Maroc mais il a explosé en raison de la féroce répression du trafic dans les pays d’Europe. Dans son rapport sur le respect des normes de lutte contre le blanchiment d’argent, présenté en juin 2012, le Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux a épinglé le Maroc pour ses «défaillances stratégiques en termes de coopération internationale». Pour blanchir l’argent sale, les techniques éprouvées sont légion, de l’immobilier aux commerces, en passant par le trafic d’or. ● ET DEMAIN Grâce à des failles dans la législation, les barons de la drogue pourront toujours par exemple, acheter des bijoux, des propriétés de luxe sans être inquiétés; des trafics facilités par l’anarchie qui règne dans beaucoup de secteurs. A.E.A. ©DR Rap Diam’s se dévoile ▲ ● LES FAITS On l’a connu avec ses énormes boucles d’oreille, ses cheveux très courts et sa voix de rappeuse révoltée. C’est au sommet de la gloire que Diam’s s’est voilée et s’est débarrassée des artifices. En juillet 2010, au festival des Vieilles Charrues, elle hésite entre la casquette et le foulard, elle choisira les deux et affiche un look mi-figue mi-raisin assumé. En 2011, elle se retire définitivement de la scène musicale. La chanteuse vient de sortir un livre intitulé, Autobiographie, aux éditions Don Quichotte. Elle y relate les faits marquants de sa vie et son mal-être, dont une tentative de suicide en 1995 et son hospitalisation en psychiatrie en 2008. La rappeuse répond aux médias et à ses fans dans un récit touchant, et explique sa conversion. ● LE COMMENTAIRE Diam’s, disque de diamant en 2007, a échangé les paillettes contre le voile intégral. Une image qui a choqué ses nombreux fans ainsi que le milieu artistique français. On n’a pas pardonné à la rappeuse d’avoir trouvé refuge dans la religion. La conversion de Diam’s a choqué l’opinion publique bien plus que son mal-être et sa tentative de suicide. En tout cas, dans ce contexte d’islamophobie, la sortie du bouquin permettra peut-être à ses fans de mieux comprendre ses choix. ● ET DEMAIN Si l’introspection religieuse permet à la rappeuse de vivre plus sereinement, why not? Au final, un artiste n’a-t-il pas le droit d’avoir une vie privée? A.G.K. ©DR actuel / Semaine du 5 au 11 octobre 2012 Actualités14 Assurance Embellie sur le secteur Au moment où le décret d’application relatif à l’autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance est bouclé, les compagnies cotées en Bourse affichent de bons résultats à fin juin. Atlanta augmente de 17% son chiffre d’affaires (750millions de dirhams), Wafa Assurance améliore le sien de 15% (2,7 milliards) et CNIA Saada de 5% (1,6 milliard). Des performances obtenues grâce au rôle moteur de la branche Vie. La tendance devrait se consolider avec le contrat programme 2011/2015 qui table sur la généralisation de l’AMO. ■ Audit Moncef Belkhayat serein L'arrivée de l'inspection générale des Finances au ministère de la Jeunesse et des Sports, pour l'audit des comptes, a provoqué l'émoi chez les fonctionnaires . Les bruits de couloir se font l'écho de l'existence «de scandales financiers» dont serait responsable l'ancien ministre rniste, Moncef Belkhayat. Contacté par actuel, l’ex-ministre se dit confiant. «Il s'agit d'un audit tout à fait normal après le changement de responsables. Tant mieux si les inspecteurs initient une mission, qui viendrait confirmer que toutes les décisions que j'ai prises l'ont été dans le strict respect des procédures.» ■ ● Promu trésorier par le comité exécutif de l'Istiqlal, Adil Douiri, très proche de Chabat, s’est lancé dans l'inventaire des biens du parti enregistrés au nom de la famille ElFassi. Un classique. ● Le slogan «Dégage» est revenu en force mais, cette fois-ci, ce sont les ministres PJD qui sont visés. Même le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane, cerné par des diplômés chômeurs a été prié de «dégager». ● Les autorités marocaines font face à une vague de réfugiés palestiniens fuyant les troubles en Syrie. Ces familles palestiniennes investissent toutes leurs économies pour rejoindre le Maroc au terme d'un périple éprouvant. ● Le refus des élus de l’opposition de cautionner le compte administratif dans plusieurs communes a conduit les juges de la Cour des comptes à se rendre sur le terrain pour auditer de nombreuses municipalités et autres communes rurales. ● Après avoir cessé ses activités, la carrière de sable d'Azzemour, appartenant au général Belbachir, est rouverte. On attend toujours de Aziz Rebbah qu'il réglemente le régime des agréments et autres carrières. ● La nouvelle Constitution sur laquelle planche les parlementaires algériens s’inspire du texte marocain, notamment le statut de la langue amazighe. ■ Les bruits du village millions de dirhams, c’est le montant des prêts bancaires accordés à fin août, en hausse de 6%. 705 Criseoblige,leMarocetl’Espagnesont décidésàmettredecôtéleursdivergences pourrenforcerleursrelations.Ladixième réunion de haut niveau a été marquée par diverses rencontres et la signature d’accords en tout genre. L'Espagne s'engage à débloquer une ligne de financement de 400 millions d'euros en faveur des entreprise espagnoles. Deuxième partenaire commercial, après la France, le voisin ibérique s’est hissé, en janvier, à la première place. Les exportations espagnoles vers le Maroc ont, elles, augmenté de plus de 20% à fin juin 2012. ■ ©AICPRESS Tram à Rabat Les grévistes s’expliquent Les conducteurs du tramway RabatSalé ont regagné le 4 octobre leurs postes, après 24 heures de grève. Pour Rachid Laghrissi, SG du syndicat des employés, la grève était inévitable. «Contrairement à ce qu'avance Transdev Maroc, et en vertu du protocole d’accord signé en mars dernier, la société devait nous verser 300 dirhams d'indemnité de scolarité par enfant et une prime pour le mois de Ramadan. Nous n’avons rien reçu à ce jour.» ■ SLe chiffre Maroc-Espagne Accordsensérie SLe regard de Mouhim actuel / Semaine du 5 au 11 octobre 2012 15 [ LU DANS LA PRESSE ARABOPHONE ] Egypte AWB lorgne BNP Paribas Le groupe Attijariwafa bank aurait émis une offre de rachat de la banque de détail BNP Paribas Egypte, tout comme la National Bank of Abu Dhabi. Le groupe français veut céder, depuis juin dernier, ces actifs non stratégiques pour renforcer ses fonds propres. Cette transaction devrait drainer 387 millions d’euros. Pour Attijariwafa, qui est à l’affût de toute opportunité en Afrique, c’est l’occasion de se positionner sur le marché égyptien. ■ Polisario Du rififi à Tindouf La lettre ouverte de Bachir Mustapha Sayed à Mohamed Abdelaziz a fait l’effet d’une bombe à Tindouf. Le «ministre d'Etat» du Polisario défend la position de Mustapha Salma et dénonce la situation des Sahraouis dans les camps. En défendant Mustapha Salma, banni en 2010 pour avoir soutenu le plan marocain d’autonomie, le frère de ElOuali Mustapha Sayed, a mis en émoi les généraux du DRS qui redoutent sa défection. ■ Sidérurgie Plan de sauvetage Le Maroc instaure des mesures de sauvegarde contre l’importation de métaux longs. L’Association des sidérurgistes a applaudi l’initiative. Une commission mise en place par le ministère du Commerce extérieur va mener une enquête nationale pour évaluer l’impact de la concurrence déloyale sur le secteur. ■ Prisons Ségrégation religieuse Un détenu de la prison de Tiflet, Mourad Bouziane, a porté plainte, après que la dentiste de la prison eut refusé de le soigner. «La dentiste de la prison étant en congé de maternité, sa remplaçante voilée a refusé de me soigner sous prétexte qu’elle ne dispense les soins qu’aux frères», nous racontet-il. Contactée par actuel, l’Administration pénitentiaire s’est contentée de démentir les faits relatés par ce détenu, sans fournir plus de détails. ■ Tanger Fortes tensions Le quartier populaire Béni Makada de Tanger a connu des affrontements entre les forces de l'ordre et les habitants. Bilan: vingt blessés et plusieurs arrestations. Le bilan officiel parle, lui, de six policiers blessés. Suite à l’intervention des forces de sécurité pour appliquer un ordre d'expulsion à l'encontre d'une résidente de Béni Makada, les voisins se sont solidarisés avec cette habitante. ■ ©B.Taougar/actuel actuel / Semaine du 5 au 11 octobre 2012 Dernière heure C e n’est peut-être pas évident, mais il est clair que la position des Occidentaux vis-à-vis de ces atteintes récurrentes aux valeurs sacrées de l’islam a fortement évolué. Ce n’est pas un revirement, mais un changement sensible noté aussi bien au niveau de la position officielle des Etats occidentaux, qu'au niveau des populations. Les Américains ont ouvert le bal avec une condamnation ferme de l’islamophobie sous toutes ses formes. L’argument de la liberté d’expression en tant que droit fondamental n’a pas été évacué, mais dans des pays comme la France, des conseils sont désormais donnés aux éditeurs et aux journalistes pour faire preuve de responsabilité dans l’exercice de leur métier. Une attitude parfaitement illustrée par le quotidien Le Monde dans son éditorial intitulé «Intégrisme: faut-il verser de l’huile sur le feu?» En somme, le Printemps arabe a eu des conséquences notables sur l’attitude occidentale à l’égard des atteintes aux religions, une attitude qui s’améliorera à mesure que les gouvernants arabes seront plus en phase avec leurs populations. ■ Attajdid Aquelquechosemalheur estbon La question de la semaine sur La question de la semaine prochaine Retrouvez-nous sur notre page fan facebook.com/actuelmaroc Chabat à la tête de l'Istiqlal: quelles conséquences? ■ Une scission du parti ■ Un remaniement ministériel ■ Un affrontement Chabat/ Benkirane ■■■ ■■■ ■■■ BB 14,2% 42,9% Que faire avec dix millions de dirhams? 42,9% S Précision Dans notre dernière édition, une erreur malencontreuse s'est glissée en page 44. En effet, le nom du président de la deuxième Chambre, Mohamed Cheikh Biadillah, a été écorché. Nous prions l’intéressé ainsi que nos lecteurs de nous en excuser. ■ Dossier U ne jeune femme marocaine, personnalité en vue, qui assume sa maternité et tait le nom du père de son enfant. Au-delàdelafacétiejudiciaire d’unjugeenmaldenotoriété (lirepage42),laquestionmérite d’être posée. Et si Rachida Dati avait accouché au Maroc?... Car,dansleplusbeaupaysdumonde,ilenva du sort d’Amina comme de celui de ce bébé jeté, encore sanguinolent, au fond d’une actuel / Semaine du 5 au 11 octobre 2012 SFace aux grossesses non désirées, aux avortements clandestins, au statut des mères célibataires et à celui de leurs enfants, notre société se complaît dans le déni de réalité ou dans l’indifférence. Un coupable aveuglement qui conduit, quotidiennement, à des drames souvent irréversibles. Enquête et témoignages. poubelle.Sitôtévoqué,sitôt–oupresque– oublié.Quisesouvientd’AminaFilali,cette jeune fille qui a préféré se suicider après avoir été mariée de force à son présumé violeur? Certainement pas nos ministres et autres députés dont aucun n’a pris l’initiative de remettre à plat notre code pénal quiautoriselevioleuràépousersavictime pour échapper à toute peine. Qui se souvient de ce bébé dont la photo a fait, voici tout juste quelques semaines, le tourdesjournauxetdesréseauxsociaux? Certainement pas nos ministres et autres députésdontaucunn’aprisl’initiatived’un débat sur une réalité aussi crue qu’insupportable,cellequivoitdesmilliersdejeunes femmes dans le désarroi le plus total, préférerl’avortementclandestinoulamortde leurnouveau-néàunematernitéreconnue par une société accueillante. Unefoisencore,c’estdelasociétécivileque vient la prise de conscience, le débat et les propositions. Combien de temps encore continuera-t-elle à prêcher dans le désert? Chaque jour, des centaines de nouveaux-nés sont enterrés anonymement et en toute discrétion dans les cimetières de nos villes.
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